"The future belongs to those who live in the now."

 

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SUD AMERICAINES < NOTES DE VOYAGES +

BIEN CADRE

 

Tout est quadrillé. Tiré au carré. Longituculaires et perpendidinales. Tout de même, un brin de fantaisie dans la diagonale qui, à un bout comme à l'autre, rentre nécessairement dans le rang des urbanistes à têtes taillées à la serpe. Les architectes saisissent les façades, en font des farandoles.

En haut, clochetons et pignons, sur rue rivalisent d'imagination, font la nique aux rationalistes dont le boulot est d'être plus terre-à-terre. A Buenos-Aires, il fait bon marcher droit, arpenter lesartères en s'envoyant la tête en l'air.

 

Buenos Aires, février 2005

SEGREGATIONS

 

Permissions et défenses à heures dites. Comme Partut, à Buenos Aires, les parties de la ville alternent quartiers huppés et barrios populaires, lieux branchés et démodés. Mais ici, certains quartiers ont des vies de quartier différentes selon les heures de la journée. Ils ne tiennent pas à mélanger leurs ouailles. On ne se fréquente pas. Les familles, les travailleurs, c'est de telle heure à telle heure. Puis un temps, mort, période mixte pour ceux qui n'en sont pas encore partis et ceux qui ne sont pas encore arrivés. Un par un, sans qu'on s'en aperçoive, les derniers laissent la place aux premiers.

Si les murs pouvaient parler. Il faut du temps, un tas de cafés avalés, pour comprendre le cirque. Observer patiemment. Tout ce passe, se fait et défait en douceur, à la tombée-de-la nuit. Il y a un avant et un après. Les mondes du jour et de la nuit se toiseraient s'ils se rencontraient. Mais c'est le jour et la nuit, chacun pour soi. Policés, les gens du jour savent s'éclipser avant la nuit, quitter le bar gentil et anonyme où l'on mange des glaces avant qu'il ne soit trop tard et que celui-ci ne devienne un repaire où les regards se croisent, où ça défile dans les toilettes, où il est fort aisé d'être raccompagné.

TARATATA

 

Taratataltaltaltalta. Ici, Tango quand tu nous tiens tu nous tiens bien. Et de se retrouver dans un magasin achalandé en la matière à ne plus savoir où donner tête et oreilles....Le must de la honte serait de demander à celle à qui l'on ne demande jamais rien car les locaux savent eux où trouver ce qu'ils veulent" je cherche une cassette de Tango" ! Entre des dizaines de genres tangotiques, tout autant d'interprètes des deux sexes déjà desséchés avant la guerre et les dernières trouvailles électroniques.... On n'a même pas le droit d'enlever le film de cellophane. Et les gardiens, shérifs de brun vêtus et la main au gourdin, ne veillent pas moins sur le patrimoine national que sur les avancées démocratiques. En Europe, c'est plus facile de faire son choix, car pour le Tango quin'est ici qu'une sous-rubrique des musiques d'Amérique; on a tout mis dans le bac à refrains du monde et l'on ne risque point de se tromper.

 

Buenos Aires, février 2005

VENDREDI SOIR

 

Je suis vraiment désolé, mais, ce vendredi soir, il n'y a qu'une chose qui me vienne à l'esprit et c'est "Les Juifs sont de sortie". Avec tous les cathos accros qui sévissent dans le quartier, cela risque de créer des embouteillages dont personne dans le quartier n'a besoin. Avec tous les Yahweh et Saintes Trinités de la terre, l'Argentine, malgré tout, comme les Québécois, commence en avoir un peu marre de tous les chiens de garde qui foutent leur nez jusque dans leurs chambres à coucher. La jeune génération, c'est fatal, va un beau jour, décider de rayer de leur carte du tendre tous les modèles de sabres et tous les goupillons. La sainte union des généraux, des cardinaux et des gens bien comme il faut, devrait savourer avec soin l'un de ses derniers étés indiens. Les guys et girls de Buenos Aires s'impatientent d'attendre le vert aux passages cloutés.

 

Buenos Aires, février 2005

SAINT-VALENTIN

 

Encore très cathos, les Argentins. Alors les prostitué(e)s qui sont ici des accompagnantes mais n'en sont pas moins putes ne fêtent pas la Saint Valentin. Peut-être que les clients quand même, histoire de faire comme si, leur offrent tout de même des roses rouges. mais les affaires sont les affaires et les grands sentiments aux abonnés absents. Les prostitué(e)s sont des métis à demi-face d'indiens. Ils font leur beurre avec ce qu'ils ont sur eux. Un cul, une queue. Dans un pays où il y apas de boulot, y a pas de métier qui soit sot. En tous cas, c'est mieux que de voler. Ok... bellementalité, mais la moralité, on y pensera quand on aura de quoi bouffer. Les prostitué(e) ne sont pas tous drogués. C'est un boulot à temps complet pour pouvoir économiser ou bien un petit mi-temps quand on est étudiant. Les bourses, ici, vaut mieux pas y compter. Autant utiliser de suite son capital et en mettre à l'abri, car le corps, comme le peso se dévalue, inexorablement.

 

Buenos Aires, février 2005

SOUPE INTANTANEE

 

Soyons clairs. On ne pourra tout de même pas écrire que de belles et bonnes choses sur Buenos Aires. Des choses dégagées de tout ce qui faut fâcher. On aura eu ses petites révoltes vite étouffées. On aura vanté les musées, Ricoleta, les beaux quartiers, les bouges d'immigrés de la Boca réhabilitées et devenues à la mode de belles friches colorées, la splendeur des façades désormais classées, les larges avenues aux bâtisses somptueusement décorées, la classe des garçons de café. Il faudra bien écrire aussi sur les enfants qui, la nuit tombée, trient systématiquement les vieux papiers, ordonnent avec méthode et professionnalisme les déchets à l'avant des trottoirs, même si ces enfants tout sourire ne semblent pas vraiment souffrir, apparemment ? On ne pourra pas ne pas être ébranlé de voir sur l'avenue Santa Fé un ado pas nécessairement camé, pas nécessairement alcoolisé, qui se fait une courte pause entre deux balles de papier pressés en mangeant avidement à même la poche plastique du supermarché d'à côté, dépliée bien à plat, les restes d'une soupe aux haricots instantanée, mêlée d'un fond d'eau froide qu'il n'a vraiment pas le temps de faire réchauffer.

 

Buenos Aires/Santa Fé. février 2005

TEMPS A TUER

 

9 heures du soir, le carrefour stratégique est encore animé au coin de Puyredon et de Santa Fé. Et soudain, tout se vide, plus personne jusqu'à minuit. Comme un changement d'équipe. Pour faire chic, on dira qu'il s'agit d'un public d'une autre tranche sociologique. Comment s'occuper, nous Européens qui ne sommes pas habitués entre 9 heures et minuit quand il ne se passe rien? Ce n'est pas le quartier des grands cinés ou des spectacles à grand spectacle. Trop loin pour le Colon à pied. Ok pour croire que dans ces pays latins, l'usage fasse que l'on dîne toujours tard. Mais tout de même attendre Il heures du soir.....en s'enfilant cortado sur cortado dans des cafètes désertées sans autre occupation que de prendre son mal en patience. On ne peut pas non plus arriver à l'ouverture des bars qui sont d'une nuit très avancée. Si l'on parvient à passer le cap des deux heures du mat, l'heure où la faune se met à bouger et qu'il sera 4 heures quand la nuit sera fête, on pense déjà au lendemain, pas rasé et crevé ou à la grasse matinée perdue dans les vapeurs et les brumes. Cette ville vous bousille votre rythme et quand on s'y sera fait, il sera temps de revenir à l'heure européenne avec ses deux décalages d'horaires, le premier à -4 GMT et le second, cette perturbation de -4 environ. Les temps sont durs à Buenos Aires.

VIEJO AMACEN

 

Si, le tango, c'est fort, comme tout ce qu'on ne comprend pas. Quelque chose de magique. Un truc qui passe par les courbes de corps ondulés où l'on ne laisserait pas tenir une feuille de papier. C'est pas de la danse stérilisée à la Deneuve et ses petits pas coincés. Les voies du tango sont innombrables et presque impénétrables. Ça dope, ça fait couler des larmes, ça existe, ça déconcerte, ça montre à quel point, passé un certain âge, tout se complique. Ce n'est pas de la gymnastique. Mais il faut tout de même une f0l111e olympique. Les danseurs et danseuses font tout feu de leurs corps. Et comme ils s'agit en fait d'une simple mise en forme avant de passer, plus tard dans la nuit, à des choses plus sérieuses, mieux vaut être à la hauteur. Sinon, fiasco total, la fièvre abandonne. Finie la réputation si tout dégringole après la séduction. Viejo amacen, c'est le grand show du tango. Un Moulin Rouge local entre les mains des tours operators. Dehors, une dizaine de bus en file indienne. With dinner or only show ? La croisière s'amuse dans un lieu entre-temps soft et très bien fréquenté. On a quitté le navire, souvent avec difficulté, fait quelques pas sur le trottoir en gardant la main sur la bourse sans quitter des yeux le drapeau du bellâtre argentin. Si l'on se perd, rendez-vous au car °5. Yes, five. Le Champagne a trop longtemps attendu, on ne pouvait pas prévoir que le bateau aurait du retard, et ses dernières bulles l'ont quitté. L'espace est optimalisé. Bruits de chaises. Tout le monde est installé. Impossible de bouger. De toutes façons, ils ne viennent pas pour danser. Juste pour regarder et écouter des airs connus qu'il faut reprendre en chœur. Et puis comme, il faut bien penser aux Indiens, on a droit à l'éternel Condor pasa peruano-bolivien revu par des musiciens ponchoïsés mais de pure souche européenne. Car les Américains préfèrent. Ok pour la couleur locale, le tango, mais pas trop. On est content de retrouver son bateau.

 

Buenos Aires, février 2005

SANTA FE

 

Le vieil Argentin gominé, tiré à quatre épingles ressemble à un vieux Monsieur anglais. La mama, tout en noir, frisée brillantinée violacée a sûrement un frère ou une sœur en Sicile Lesjeunes ont le look passe-partout, en fonction des tribus aux codes fixés à Londres ou à new York. Ils protestent contre leur société en se donnant une touche d'indien papier glacé, ainsi ils se métissent juste ce qu'il faut, pas trop, ça pourrait leur jouer des tours. Les Français ont laissé leursbâtisses, leurs traces sur les murs des quartiers chics, dans ces maisons qui abritent l'ambassadedu Brésil ou encore les polos et jockey-clubs. L'english style, plutôt au nord à Tigre sur les bordsdu delta, les Italiens au sud, à la Boca. Le très british Nord s'appelle Palermo, Ricoleta. Les Argentinssont fiers d'être argentins et ont besoin de s’accrocher a une identité. Ils se sont fait des gauchos une image idéale, en étouffant quand même qu'ils arrivèrent en petits basques. Mais enfin, allez donc faire croire à un Outre marin qu'il descend des Gaulois ou des Romains ?

SYSTEMATIQUE

 

Visite touristique systématique pour public averti. Hector, le guide fait son cirque de guide, passionné et tout ce qu'il y a de plus sympathique. Hector est sans travail, les études d'architecture ne paient plus. Hector est passionné d'Argentine, de France, de peinture, de toutes architectures. L'Australien et le Canadien aussi, cela tombe alors plutôt bien. Après quatre heures d'explications sur qui a fait quoi à quel endroit, on commence à ne plus savoir vraiment qui a fait quoi à quel endroit et pourquoi. Et pourtant, après un café conspiré et imposé à l'arraché, il faut se rendre au parlement. Absolument. Alors, était-ce parce qu'on n'est pas forcément sensible aux charmes des pastiches classico-vittorio-manueliens ou parce que c'était le fin, le tout dernier monument, mais c'est qu'on !'a trouvé laid, mais laid, tellement laid ! Il nous en faisait de la peine, le parlement, Hector aussi. On se faisait de la peine aussi, car, ici, il ne faut pas rigoler avec le Parlement, symbole visible de la démocratie. Puis, par égards pour Hector il fallait rester poli. Faut dire que quand il a été construit, la démocratie, elle était pas non plus très belle à voir. Elle s'est construite en dents de scie. Et aujourd'hui le Président, le parlement ont encore du mal à faire leur deuil des pots de vin argentins et autre petits dommages collatéraux dus à ce qu'ici il ne faut jamais nommer par son vrai nom. La corruption n'est en fait que la somme des petits arrangements dont tout le monde s'arrange.

 

Buenos Aires, 16février 2005

MECHANCETES

 

Personne n'a jamais osé affirmer que la comida d'Uruguay faisait, comme la vieille ville, partie du patrimoine incontournable de l'Humanité. Ça commence par du buffet à volonté agréable à la vue avec de la viande camouflée sous une épaisse couche de peinture acrylique d'un vert qui ne tient ni du petit pois ni du gazon. Et l'on déjeune, organisé, en une demi-heure chronométrée à une terrasse imposée qui donne sur la chaussée.

Les femmes de l'Uruguay sont appréciées à Buenos Aires. Annonces classées à la rubrique 59 du Clarin argentin voisin. A voir pour 20 pesos, car il y a jamais de photos. Celles qui restent sur leurs chaises en osier font des châles en crochet. Ici, on ne semble pas se les arracher, elles ont même plutôt !'air de s'emmerder. A notre-avis;-c'est-pas les mêmes.

A Colonia, c'est comme à Cologne autour de la cathédrale et du Musée gallo-romain. Des usines à manger, à dépenser, pour les touristes timorés qui n'aiment l'inconnu qu'organisé, parqués en lots anglais, espagnols ou français. Bonjour, Buenas Tardes. Vous êtes en Uruguay, la République Orientale d'Uruguay, un Etat démocratique (sourires). My name is Washington (sourires)... like the President. Guillelmino..

William in english. Le genre de blagues qui fait tilt et qui déride. Ça marche à chaque coup, pourboire assuré. C'est fou ce que les gros touristes peuvent avoir comme gros mollets, roses, bruns, poilus, sans poils. On ne voit que cela quand ils marchent, leur gros ventre en avant, le tee-shirt-souvenir trop étroit, car l'XXL, ça taille plus petit ici. Pour ne pas se faire remarquer, ils mettent souvent des chapeaux de cuir locaux, mais gardent, blanches, leurs chaussettes de tennis et leurs espadrilles orthopédiques, l'important, on est en vacances après tout, c'est de se sentir à l'aise.

 

Colonia, Uruguay. février 2005