BLANC ET ROUGE
C'est pas la bonne avenue? Si, c'est l'Ambassade d'Indonésie. A moins de s'être trompé de pays. Pologne, Malte, Monaco? Rouge en haut, blanc en bas, ou vice versa, oui c'est ça la Pologne sans dessus dessous à l'envers. Chicos, l'endroit pour les visas en sous-sol en contre-bas! Petit espace, mais ça ne se bouscule pas. Cinquante Euro le visa. Ils ont intérêt à être beaux. On est invités. Régime de faveur, pas d'attente mais cinquante Euro. On ne discute pas derrière l'hygiaphone. C'est pour quo i? Ben, un visa, c'est marqué VISAS. Mais qu'est-ce qu'il va y foutre en Indonésie ? il y a huit jours, il savait même pas où c'était, Médan. Il croyait qu'on pouvait y passer ses soirées en Région parisiem1e. C'est l'ONU qui invite et c'est nous qui paye. Et pourquoi faire? Je les entends déjà à distance. Et il Y connaît rien. Et nous qu'on travaille aux relations internationales, qu'on est obligées de pointer le matin et le soir. C'est toujours les mêmes qui se baladent et les celles qui restent là. Les chiennes aboient mais la KLM passe. Et demain, ce seront quatre jours dans des hôtels avec des étoiles à la pelle, dans un vrai lit sans ressorts qui pointent rabotent et égratignent, des Resorts qui délassent.
Paris. le 8 mars 2005
NOEL TOUTE L'ANNEE
Fièrement digitaux, les arcs triomphent. Les héros -démocratie oblige et occasion rêvée de caresser les VIP -déboulonnés, les portraits au placard. You are welcome. We are welcome. Des kilomètres de banderoles. Exit les Sokarno, maintenant, les cristaux scintillent fièrement toutes sortes de Sanyo ou Soshibo. Medan, la ville lumière, partout des guirlandes de Noël dans l'hiver ou la mousson d'équateur. Ve11es, rouges ou jaunes, des serpentines s'enroulent autour de vrais palmiers, vite rattrapés par les clignotements de grands arbres totalement factices aux couleurs d'ice cream synthétique. A côté, les temples, les mosquées, les palais se font plus discrets. Medan est musulman à un grand nombre de pour cents, mais on dirait que tout le monde ici il a droit de vivre, on airait. On ne fera pas de photos de nuit car on n'aura qu'une sorte de halo blafard aux teintes tristes car le flash capte moins que la rétine le crû de ces couleurs dans la nuit. Et puis sur le papier, on n'entendra pas ce vacarme des voitures, minitaxibus, pousse-pousse-machines, on n'entendra pas les hé, halo, klaxons à respecter avant d'oser traverser. Et puis, il y a l'air ou ce qu'il en reste, ce ferait sûrement comme un film sur la photo, cet air qui assèche, s'incruste dans les bronches avec tous ces petits trucs qui font que l'essence est pas chère.
Medan, mars 2005
POLONIA
Compagnies exotiques. Des lions des tigres airlines. Avec le sourire de la Silk. Légendaire. Une fleur rose en corolle sur la queue. Orchidée comme celles que les passagers pour l'Europe ou l'Australie enfournerons comme je te pousse dans les malles de l'avion, dans de grands cartons ajourés pour ne pas les abîmer. Le garuda local n'est qu'un méchant griffon peu engageant qu'on
trouve sur les armes de la Poméranie. L'aéroport de Medan s'appelle Polonia. On y trouve partout des drapeaux polonais à l'envers, du rouge du blanc du rouge du blanc ou l'inverse. Casse-tête pour le protocole qui accueille une visite officielle de Varsovie. Et puis, on dirait un départ pour La Mecque. Ici, les voiles sont chics, il y a des chances à prendre pour les hommes dans ces voiles. Rizières en I'air, premier virage, coprah, coco, sans dessus dessous. Et puis nuages comme d'habitude. Le ciel toujours bleu où l'on peut faire le vide entre ce que 1'0 a quitté et ce qu'on va trouver. Singapour. Au comptoir KLM, ça sent déjà la Hollande, sur le bord du comptoir, les tulipes toujours fraîches en plastiques narguent les orchidées bientôt fanées qui disparaissent abandonnées, derrière le rideau noir. Partout des îles flottantes, de terres gagnées sur la mer, de fer, de navires collés les uns sur les autres, îles amarrées, artificielles, vastes chantiers. Villages égratignés, dévorés, terrains raclés qui poussent en largeur comme en hauteur. L'archipel. Impossible de dessiner la caJ1e, de cerner des contours, peut-être déjà la Malaisie, comment savoir, des îlots vierges quand même, oui, avec
des arbres, là où le béton et la ferraille ne peuvent vraiment pas aller. Mais alors vraiment pas.
Pour l'instant.
FLYING BLUE
De gros sauts de puce. Bordeaux, de Gaulle, Shipol, Singapour, Medan. De l'Airbus anonyme, un numéro, banal, qui donne jamais son nom, bleu blanc rouge, donc en bonne compagnie; puis du Cityhopper (c'est quoi exactement?) petit, cosy avant de s'engouffrer dans un gros pélican bleu et blanc rassurant. Les hôtesses kaèlème adoucissent les mœurs. C'est pas marqué sur les dépliants mais ça devrait, elles sont bien dans leur carlingue, solides sur les jambes, d'un bleu qui n'a rien à demander à la vierge Marie, elles sourient à belles dents. Elles se prennent pas pour les soubrettes d'Air France dont les tenues Lacroix leur foutent le tournis une croupe métallique et le sourire aigre doux.
La Kaèlème emmène vers-ces anciennes aires de sévices néerlandaises. Ils ont l'air gentils comme ça, mais les Hollandais, ils ont mis du temps à se faire à l'idée de se séparer de Batavia, de son café, caoutchouc et tabac. On dirait pas quand l'hôtesse blonde, charnelle, pas très belle, amène, apporte, toute naturelle, bulles et biscuits d'accueil. Serein, le Hollandais volant vogue vers ses terres d'autrefois. Difficile de gommer le passé dépassé. En route pour l'Argentine, vue du ciel, l'Espagne rappelle des souvenirs moins doux, vers le Brésil, à huit mille pieds, la grandeur portugaise nous semble toute rabougrie.
Mérignac, mars 2005
SHIPOL
Shipendale, cheap et Chez Paul. Sympa. Je pars pour Shipol, chez Paul.Ce n'est pourtant qu'un aéroport hollandais tout ce qu'il y a de plus banal avec un tas de couloirs, de boutiques avec des tulipes en plastiques, des dés à coudre en porcelaine et des moulins à vent en plastique. Des carrés de Delft en Formica ou en papier pour recouvrir les tablettes de chocolat. On se sent bien à Shipol. C'est varié, c'est glacé, cold mais cool à la fois. Shipol. On y entend le néerlandais. Il y a aussi des noirs qui ne sont pas les mêmes noirs qu'à Roissy. Ils parlent le hollandais, il viennent de Curaçao, du Surinam ou sont des anglophones en transit. Métissés pas pareil, avec de l'indonésien, de l'indien, des tas de gens qui sont ni sahéliens ni maghrébins. Au retour, on reviendra s'en griller une à ce Heineken-bar tout-bête, même-quand on n'aime pas la bière.
Mérignac, mars 2005
HISTOIRE MODERNE
Ils ont plutôt l'air gentils, comme ça, nos amis du plat pays. Antje et ses fromages aussi rouges que son stick pour les lèvres. Aussi ronds que ses bonnes joues bien dans leur chair et qui respirent la santé. Des sabots pour la photo et des moulins à vent en arrière plan qui aujourd'hui pourtant ont la vie dure avec les éoliennes. Bienvenue à Amsterdam, oui on y croit. On dirait pas comme ça que les Hollandais, comme tout le monde, ils ont aimé le colonies. Peut-être tout simplement parce que ce pays au polder facile, aux terres fet1iles, engendre tout de même une certaine monotonie. Les Hollandais n'y peuvent rien s'ils son nés en Hollande et s'il aiment le café, le chocolat et le gingembre. El sauf pour les tout petits petits comme les sujets du Luxembourg, quand on est petit, on veut toujours grandir. Alors-même si ça coûte cher et que ce n'est pas la porte à côté, ça vaut la peine d'aller très loin, là où il y a encore de la place laissée par les Anglais, les Français, les Portugais afin de cultiver un nouveau jardin. Mais, c'est qu'à la longue et puis avec la guerre, le jardin, c'est qu'il commence à coûter vraiment cher. Et les Hollandais, surtout quand il y a eu les morts de la guerre, c'est comme les Portugais, il sont pas bien nombreux et, à un moment donné, dans ces grand pays, eux qui ont eu les yeux plus grands que le ventre, à Batavia comme au Brésil, ils arrivent plus à fournir et les jardiniers du coin, ils commencent à faire la loi et à leur tête. Alors en 45, heureusement qu'ils ont eu l'argent américain pour montrer qui c'était qui était le chef. Mais ça n'a pas duré longtemps, car l'Oncle Sam il a dit que l'argent il était pas fait pour ça, qu'il était pour la Hollande et pas pour acheter des colliers aux Bataves et que si elle les laissait pas tranquilles, il lui couperait les vivres. Alors là, ils avaient pas le choix, ils ont pris leurs cliques et leurs claques et laissé tout ça à Sukarno. Les gens ont recommencé à manger leur riz, à faire des trucs en chocolat, à profiter de ce qu'ils ont chez eux.
Aujourd'hui, ils ont leurs préservatifs en caoutchouc du pays.
Amsterdam, mars 2005
POINTU
Sur cette île au milieu du Lac Toba, les toits pointus, c'est la classe avec grâce. Bâtisses élégantes, toute une histoire volcanique là où poussent des algues menaçantes et des boutiques de pacotille. Les Bataks mangent des touristes mais ne sont plus cannibales. Les Hollandais ont mis des croix
partout au milieu des rizières, ou planté le crucifix dans le bide des bouddhas. La panthère de Sumatra n'existe pas. On trouve des tigres pas loin d'ici. On a remis des éléphants. On fait gaffe aux orangs-outangs. Comme en Floride, maintenant, on protège à cause des couilles en or. Les gens s'étonnent qu'on mange de la salade qui s'appelle Batavia. Les gens s'étonnent que l'on
s'étonne des bannières multicolores, triangulaires inclinées sur la route, des oriflammes comme on voit dans les films de Kung Fu et qui ne travaillent plus, ni pour le roi, ni pour l’État, mais pour Nokia Coca Cola. Et puis, il y a ce rouge partout qui perturbe toujours les Allemands même quand ils viennent en France et découvrent la nuit les enseignes des restaurants chinois, Darty,
Crédit Mutuel et ou de la Société Générale, le rouge, chez eux, c'est réservé pour les bordels.
Lac Toba Sumatra. mars 2005